BEYROUTH, 3 août 2020 (APS) - Le ministre libanais des Affaires étrangères,
Nassif Hitti, a expliqué lundi sa démission du gouvernement par la lenteur
dans la concrétisation des réformes politiques au moment où son pays
traverse sa pire crise économique depuis la guerre civile des années
1975-1990.
"Compte tenu de l'absence de volonté effective de réaliser une réforme
structurelle et globale appelée de ses voeux par notre pays et la
communauté internationale, j'ai décidé de démissionner", écrit le chef de
la diplomatie libanaise dans un communiqué relayé par les médias.
"J'ai participé à ce gouvernement pour travailler pour un patron appelé le
Liban, puis j'ai trouvé dans mon pays plusieurs patrons et des intérêts
contradictoires", déplore-t-il. "S'ils ne s'entendent pas pour sauver le
peuple libanais, Dieu nous en préserve, le navire coulera avec tout le
monde dessus", poursuit-il.
Nassif Hitti, ancien ambassadeur du Liban auprès de la Ligue arabe, a été
nommé ministre des Affaires étrangères en janvier lors de la formation du
gouvernement du Premier ministre Hassan Diab.
Sa démission est également liée, selon des médias libanais, à des
divergences avec Diab, en particulier à la suite d'une visite à Beyrouth du
ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian, ont déclaré
des sources proches du ministère.
Le 23 juillet dernier, Le Drian avait exhorté les dirigeants libanais à
"mettre en oeuvre d'urgence des réformes attendues depuis trop longtemps
afin de bénéficier d'une aide du Fonds monétaire international (FMI)", des
propos qui avaient été très mal accueillis par Hassan Diab.
Ce dernier a en effet accusé, le 28 juillet, la France et la communauté
internationale dans son ensemble de ne pas vouloir aider les Liban.
"Le fait quÆil [Jean-Yves Le Drian, ndlr] ait lié toute aide au Liban à la
concrétisation de réformes et à la nécessité de passer par le Fonds
monétaire international montre que la position internationale pour lÆheure
est de ne pas aider le Liban", a dit le Premier ministre libanais.
Moins dÆune semaine après la visite du chef de la diplomatie française, en
tant que représentant dÆun pays partenaire et plus globalement de la
communauté internationale, Hassan Diab a tiré à boulets rouges sur son
allié, réfutant le discours de la France, après que Le Drian a rappelé une
nouvelle fois les "exigences" de Paris lors de sa visite au Liban, les 23
et 24 juillet, à savoir quÆil conditionnait toute aide financière à des
"réformes rapides du système libanais".
"On comprend que le gouvernement puisse penser que la communauté
internationale ne veut pas lÆaider, donc il essaye de resserrer les rangs
de la classe politique. Sauf quÆen face, lorsquÆon regarde le train des
réformes, lorsquÆon regarde la véritable volonté des acteurs politiques,
économiques et financiers, il y a un déficit dÆinformation, il y a un
problème quant à la répartition des pertes. Et tant que ce travail nÆest
pas fait, même la porte du FMI restera fermée", a estimé Karim el-Mufti,
professeur de science politique à lÆuniversité La Sagesse à Beyrouth, dans
une récente déclaration à l'agence russe Sputnik.
Cet expert tente ainsi dÆexpliquer les "réactions de chacune des parties",
estimant que le "gouvernement dÆHassan Diab tente de réformer les
institutions en crise financière. Mais comme lÆa illustrée la démission du
directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, le 29 juin
dernier, Beyrouth rencontre des obstacles face au "lobbying des banques" et
notamment de la Banque centrale, dirigée par Saad Salamé".
L'effondrement depuis octobre dernier de la monnaie libanaise a provoqué
une crise économique sans précédent qui a alimenté un mouvement de
contestation au Liban et de remise en cause des élites, accusées de
corruption.
Le Liban sollicite depuis le mois de mai une aide du FMI sur la base d'un
plan de sauvetage mis au point par le gouvernement, mais des "dissensions
internes" persistent, notamment en ce qui concerne les "pertes à faire
assumer au secteur financier et les moyens de les couvrir".(APS)