ALGER, 26 juil 2020 (APS) - Des experts en sécurité internationale ont mis
en garde contre les retombées d'une intervention militaire en Libye sur l'Afrique du Nord et le Sahel et les risques de voir ce pays, déchiré par un conflit depuis 2011, devenir le théâtre d'une guerre par procuration entre les grandes puissances.
"les interventions militaires étrangères ne mèneront jamais la Libye à bon port, mais constitueront, au contraire, la mèche qui conduira à l’explosion de toute la région et un véritable suicide collectif", a tenu à souligner Amine Mizab, expert en sécurité qui a appelé à faire prévaloir le langage de la sagesse et du dialogue afin d’apaiser la situation et éviter une guerre ouverte dont les pays du voisinage paieront le prix cher".
"Au vu de la complexité du terrain et l’escalade militaire récente, la Libye ne pourra plus supporter davantage de militarisation, en armant des tribus, d’autant que nous sommes face à un modèle inédit, tant en terme d'ampleur du conflit entre les parties libyennes qu'en terme de nombre des milices et des mercenaires importés mais aussi par rapport à la
prolifération des armes et à la situation territoriale, marquée par la présence de groupes terroristes visant à semer le chaos", a-t-il argué.
Abondant dans le même sens, l’expert en sécurité, Larbi Cherif a fait savoir que "toute arme introduite et utilisée hors du contrôle des institutions de l’Etat constitue une menace pour la Libye et ses voisins dont l’Egypte". Pis encore, poursuit-il, "l’armement d’une troisième partie dans ce pays souffrant déjà de l'anarchie et du chaos, ne fait qu’aggraver
et prolonger la crise et amenuiser les chances d'un règlement politique".
Il a mis l’accent sur les risques des interventions militaires étrangères et l’implication de certaines tribus dans ce marais de guerre, relevant que l’armement de ces dernières n’est pas une solution comme le prétendent certaines parties, car susceptible de mener vers la chute de l’Etat en Libye.
Larbi Cherif a mis en garde contre les conséquences de cette démarche sur la région qui va devenir "un terreau fertile pour les groupes terroristes, toutes obédiences confondues".
L'expert en sécurité internationale, Benameur Bendjana, a quant à lui soulevé le risque de l’afflux des armes dans ce pays notamment sur le tissus social, en insistant sur le fait que "les tribus deviennent incontrôlables, en cas de leur armement, notamment en l'absence d'un
encadrement politique, ce qui laisse profiler la menace d'une véritable guerre civile entre les tribus susceptible de désintégrer et d'exterminer la société libyenne et d'exporter la crise au-delà de ses frontières", appelant les belligérants libyens à l'impératif de procéder à une lecture de l'histoire et à l'analyse de la réalité".
"Tout pays ayant subi une ingérence interventionniste d'une puissance étrangère, a vu son sort voué à la destruction, à l'image de l'Irak et de la Syrie", a-t-il soutenu, rappelant que "le cessez-le-feu et la reprise du dialogue demeurent la seule voie à même d'éviter la chute de la Libye".
L'Algérie avait exprimé, dimanche dernier, par la voix du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, son regret des "tentatives d’implication de certaines tribus libyennes dans le conflit armé", ajoutant que "cette situation dangereuse pourrait faire basculer la Libye dans le même sort que la Somalie".
Le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum avait affirmé, mercredi dernier lors de sa visite à Moscou (Russie) que "les chars et les canons ne pouvaient être une solution à la crise libyenne" qui doit "plutôt être réglée par le dialogue et le retour à la table des négociations".
Par ailleurs, plusieurs tribus libyennes ont exprimé leur refus des appels à l'armement et de l'implication de l'armée égyptienne dans la crise libyenne, après que la Chambre des représentants de la Libye, présidée par Salah Aguila, ait délégué l'armée égyptienne d'intervenir afin de protéger la sécurité nationale des deux pays, en cas de danger imminent menaçant la sécurité des deux pays". (APS)