BAMAKO, 19 juil 2020 (APS) û La Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a décidé de prolonger sa mission de bons
offices au Mali après l'échec de sa première médiation pour rapprocher les
positions du gouvernement et du mouvement de contestation.
Le Mouvement du 5 juin-rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui
demande le départ du président Ibrahim Boubacar Keita a rejeté samedi le
plan de sortie de crise, proposé par les émissaires de cette organisation
intergouvernementale, poussant cette dernière à prolonger de 24 heures son
séjour au Mali.
Les tractations se poursuivent dimanche et des rencontres officielles et
"discrètes" ont encore eu lieu samedi, rapportent des médias locaux.
La délégation de la CEDEAO s’est rendue encore une fois samedi chez l’imam
Mahmoud Dicko, leader du mouvement de contestation du "5 juin".
Les entretiens ont notamment porté sur le nom du futur chef du
gouvernement malien.
"Rien d'officiel, mais les lignes pourraient bouger dans ce sens",
affirment des observateurs de la scène politique malienne
Mama Koité Doumbia, présidente de la Plateforme des femmes leaders du
Mali, a conduit de son côté la délégation de femmes.
Dans un communiqué repris dimanche par des médias locaux, le mouvement
(M5-RFP) qui mène la contestation au Mali affirme que " les propositions de
solutions de la mission de la CEDEAO ne correspondent pas aux aspirations
et attentes exprimées par le M5-RFP ".
"Ces propositions sont les mêmes que celles antérieurement formulées par
le président Ibrahim Boubacar Keïta, et rejetées par notre Mouvement",
regrette le mouvement dans le même communiqué.
La délégation de haut niveau de la CEDEAO a proposé au M5-RFP de faire
partie d’un gouvernement d’union nationale qui engagera notamment des
réformes politiques et des poursuites contre les responsables des meurtres
lors des manifestations du week-end du 11 juillet.
La mission conduite par l'ancien président du Nigeria Goodluck Jonathan et
composée de personnalités politiques et d'experts de pays membres de la
CEDEAO a rencontré à Bamako les différents protagonistes de la crise avec
l'objectif de faire évoluer le statut quo et rapprocher le gouvernement et
les mouvements au c£ur de la contestation.
Les dessous de la crise
Les tensions qui secouent le Mali depuis le mois de juin ont dégénéré lors
de la troisième manifestation du mouvement le 10 juillet. Des violences ont
éclaté et se sont poursuivies tout le weekend. Onze (11) personnes y ont
perdu la vie et 158 autres ont été blessées, selon les données officielles.
Ce mouvement de contestation est né après l’annonce des résultats des
dernières législatives. L’opposition reproche à la Cour constitutionnelle
d’"avoir inversé une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du
parti du Rassemblement pour le Mali (RPM)", le parti au pouvoir.
Depuis, les différentes revendications portées par ce mouvement qui fédère
opposition, société civile, syndicats et religieux ont évolué en une seule,
la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK et le départ du pouvoir en place.
A cette exigence, la CEDEAO a opposé un refus en indiquant qu’elle n’avait
pas été mandatée pour demander la démission du président".
" La délégation CEDEAO a aussi affirmé qu’aucune organisation
internationale ne soutiendra le mouvement M5-RFP dans sa démarche visant la
démission du chef de l’Etat", argumentant sa position par "les besoins de
stabilité, de la légalité et les risques à courir après le départ d’un président élu".
A ce sujet, l'ancien porte-parole du gouvernement, Amadou Koita cité par
des médias, souligne que " La loi fondamentale stipule que la souveraineté
appartient au peuple tout entier", précisant qu'"aucune fraction du peuple,
aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice''.
Pour le professeur Etienne Fakaba Cissoko, directeur du Centre de
Recherches d'analyse politique et économique du Mali, "l'exigence de
démission adressée au président IBK n'est pas la solution".
Pour autant, la contestation canalise les mécontentements dus à la
dégradation de la situation sécuritaire, la crise économique et sociale,
les soupçons de mal gouvernance alimentés par les scandales qui ont touché
différentes institutions.
De même, le coronavirus (Covid-19) a mis le monde à terre. Cette pandémie
a des conséquences terribles qu'elles soient sanitaires, économiques ou
sociales et le Mali n’est pas en reste.
Avec la désobéissance civile décrétée par le mouvement du M5, des
entreprises sont à l'arrêt, les services sociaux de base sont perturbés et
les services publics fonctionnent au ralenti. (APS)